Qu’est-ce que la maladie de Scheuermann ?

La maladie de Scheuermann, appelée encore dystrophie rachidienne de croissance, ou "épiphysite vertébrale" appartient au groupe des ostéo-chondro-dystrophie épiphysaires.
Il s'agit d'une maladie acquise (elle n'existe pas à la naissance et n'est pas héréditaire, même s'il existe un aspect familial) qui concerne les plateaux supérieurs et inférieurs des vertèbres.

 

La dystrophie est un trouble de fonctionnement, de croissance, de développement d'une région du corps.

Le diagnostic clinique de la maladie de Scheuermann

La maladie de Scheuermann se manifeste surtout à l'adolescence, c'est-à-dire au moment de l'accélération de la vitesse de croissance de la colonne vertébrale.

L'interrogatoire met en relief la douleur, 1er symptome de la maladie :

Il s'agit d'une douleur mécanique de la colonne vertébrale, augmentée par les efforts physiques (et donc le sport), mais également le port du cartable.
C'est la partie haute de la colonne vertébrale (rachis thoracique) qui est la plus souvent symptomatique, mais les douleurs lombaires sont également possibles.
La douleur est plus importante le soir qu'en début de journée, mais elle n'empêche pas de dormir.
Il n'y a pas d'autre signe fonctionnel : pas de fatigue particulière, pas de perte de poids, pas de fièvre.

L'examen clinique

Il est centré sur la colonne vertébrale (voir le chapitre sur la scoliose).
L 'examen au fil à plomb met en évidence une hyper-cyphose de la partie haute de la colonne : ce sont des adolescent(e)s qui sont "voûté(e)s en avant".

 


Aspect normal de la colonne vertébrale, dans le plan sagittal (vue de profil).
Dans la maladie de Scheuermann, la cyphose naturelle de la colonne dorsale est nettement augmentée.


Cette hypercyphose dorsale peut s'accompagner d'une augmentation de la cambrure lombaire qui rétablit un équilibre de profil (hyper-lordose lombaire de compensation).

La raideur est le deuxième signe marquant de l'examen clinique. En effet, la déformation en hyper-cyphose est raide, et ces adolescent(e)s éprouvent de grandes difficultés voire une impossibilité à se redresser ("se mettre droit").


Le reste de l'examen clinique est normal : pas de gibbosité (signe de scoliose), pas de trouble neurologique ni musculaire, pas d'anomalie cutanée.

 


Dos raide avec difficulté à se pencher en avant (antéflexion du tronc)

Comment apparaît une maladie de Scheuermann (physiopathologie) ?

Cette maladie d’un ou plusieurs corps vertébraux semble liée à des contraintes mécaniques excessives avec dysmorphie vertébrale (changement de forme des corps vertébraux) et détérioration de l’espace discal (espace cartilagineux entre deux corps vertébraux).

Déformations radiologiques

Pour pouvoir évoquer le diagnostic de maladie de Scheuermann, il faut osberver sur les radiographies un aspect de cunéiformisation antérieure d’au moins 5° sur un minimum de 3 vertèbres.

 

Radiographie de profil de la colonne dorsale : les vertèbres qui devraient être d'aspect cubique, ont une forme de coin.
La partie avant est moins haute que la partie arrière, ce qui fait donc pencher l'équilibre global vers l'avant.


Les déformations sont structurales et l'analyse du tissu osseux met en évidence des altérations des zones de croissance des vertèbres, une diminution de la hauteur du disque inter-vertébral.
Ces lésions anatomiques seraient secondaires à une hyperpression mécanique, créant des microfissurations (type décollement épiphysaire, c'est-à-dire des fractures du cartilage de croissance), ainsi qu'une dégénérescence discale avec déplacement de matériel discal.

L'ensemble de ces lésions semble créer un cercle viceux auto-évolutif aboutissant à une aggravation en cours de croissance.


Cercle vicieux auto-évolutif des lésions de la maladie de Scheuermann

 

 

On décrit 3 stades radiologiques :
Le stade 1 :
il existe un faible pincement discal, une cunéiformisation du corps vertébrale
Le stade 2 :
La cunéiformisation du corps vertébral devient plus marquée ; elle s'accompagne d'une petite hernie, et d'irrégularités des plateaux qui prennent un aspect feuilleté.
Le stade 3 :
Il existe une faible cunéiformisation des corps vertébraux mais une grosse hernie intra-spongieuse (appelée hernie de Schmorl)


Schéma des différentes lésions vertébrales de la maladie de Scheuermann

 

 


Radiographie de la colonne vertébrale de profil montrant l'aspect irrégulier des rebords des vertèbres

Origine de la maladie

La maladie de Scheuermann semble se développer sur un patient avec des facteurs génétiques favorisants et sous l'action de facteurs environnementaux : certaines postures et activités sportives particulières. Des études expérimentales ont montré que des contraintes répétés sur des cartilages de croissance vertébraux induisent des lésions de dystrophie de croissance.
D'autres études ont montré qu'il y avait 4 fois plus de lésions de dystrophie de croissance chez les sportifs de haut niveau que chez les témoins sédentaires..Il est également prouvé que la fréquence de lésion de dystophie de croissance augmentée chez les jeunes gymnastes et dans les activité de sports de lutte.

Une autre étude portant sur 2270 enfants, a montré une corrélation entre angle de cyphose thoracique et le nombre d’heures d’entraînement, les plus grandes valeurs de cyphose étant observées chez les gymnastes.


Aspect des anomalies osseuses et discales en imagerie I.R.M. (imagerie par résonnance magnétique).

 

 

Quel est le risque évolutif de la maladie de Scheuermann ?

La hyper-cyphose a un risque d'aggravation avec la croissance de la colonne vertébrale.
l'aspect cunéiforme des vertèbre eput augmenter en même temps que la colonne devient de plus en plus raide.
Le risque est donc d'aboutir en fin de croissance à une hypercyphose fixée (impossible à corriger) et qui sera source de douleurs et de préjudice esthétique à l'âge adulte.

 

Comment traiter une maladie de Scheuermann ?

Avant la fin de croissance de la colonne vertébrale

Le traitement est orthopédique.
La réalisation de plâtre et la mise en place de corset ont pour but de diminuer l'hyper-cyphose thoracique, donc de diminuer la surcharge mécanique de la partie antérieure (avant) des corps vertébraux. Cette décharge est censée favoriser la reprise d'une croissance normale sur la partie avant des vertèbres et de diminuer le mécanisme de cunéiformisation.

Le corset est laissé jusqu'à la fin de la croissance de la colonne vertébrale.

Différents types de corsets anti-cyphose

 

 

Après la fin de la croissance de la colonne vertébrale

Le traitement est chirurgical.
La correction de l'hyper-cyphose thoracique passe par une arthrodèse vertébrale : il faut libérer la colonne de son enraidissement en mauvaise position, changer l'équilibre de profil et faire en sorte qu'elle reste en bonne position, au prix d'un sacrifice de mobilité (arthrodèse).
Cette chirurgie nécessite souvent un temps opératoire antérieur (chirurgie thoracique pour enlever les disques inter-vertébraux) et un temps chirurgical postérieur (blocage des vertèbres entre elles avec greffe osseuse et ostéosynthèse).