Qu’est-ce qu'une luxation congénitale de hanche ?

Une luxation congénitale de hanche correspond au déplacement de la tête fémorale dans une poche de capsule articulaire, appelée chambre de luxation. 
Cette chambre de luxation est située vers l’arrière du cotyle.

Pour bien comprendre le problème de la luxation de hanche, il faut déjà savoir comment se constitue une articulation normale de hanche.

L'ANATOMIE DE LA HANCHE NORMALE

Schéma anatomique d'une hanche (l'articulation est ouverte, et la capsule articulaire coupée).

 

EXPLICATIONS SUR L'ORIGINE DE LA MALADIE (PHYSIOPATHOLOGIE)

Le déplacement de la tête fémorale provoque des lésions d’appui sur le cotyle, d’autant plus importantes que la luxation est précoce et appuyée : ces lésions du cotyle sont donc secondaires.

Schéma d'une hanche normale à gauche et luxée à droite.


Schéma anatomique d'une hanche (l'articulation est ouverte, et la capsule articulaire coupée).

L’isthme capsulaire correspond à l’espace qui relie la chambre de luxation au cotyle, espace par lequel la tête fémorale doit passer pour réintégrer le fond du cotyle.
Si la tête fémorale se replace au fond du cotyle, la poche capsulaire distendue à tendance à se rétracter, ce qui stabilise la hanche.

Schéma de la chambre de luxation qui correspond à la capsule articulaire distendue par la tête du fémur lorsqu'elle est déboitée.

 

La luxation se constitue durant la vie fœtale (dernier trimestre de la grossesse) sous l’influence de facteurs mécaniques, associés parfois à des facteurs génétiques favorisants.
Les 2 principaux facteurs sont : les postures luxantes et les facteurs d’appui sur le grand trochanter.

Facteurs de luxation de la hanche

Les postures luxantes :

Les postures luxantes du foetus dans la cavité de l'utérus correspondent à des positions où la hanche est très fléchie, la cuisse rapprochée de l'axe du corps (adduction de hanche) et tournée à l'extérieur (rotation externe).

Schéma des postures luxantes pendant la grossesse (I : siège décomplété, II : siège complet).

 

Les facteurs d'appui :

Ce sont :

  • Primiparité (première grossesse)
  • Grossesse gémellaire (jumeaux)
  • Gros poids de naissance
  • Présentation en siège (à nouveau)

Les facteurs génétiques :

Ce sont :

  • Sexe (filles)
  • Origine géographique (Loire, Creuse, Bretagne)
  • Antécédents familiaux

LA NOTION DE BEBE A RISQUE (OU DE HANCHE A RISQUE) :

On peut donc, en tenant compte des facteurs de la maladie luxante de hanche, dire si un enfant à la naissance a plus de risque d'avoir une luxation de hanche.

Les enfants à risque (statistique de luxation de hanche) représentent 2% des nouveaux-nés, et sont :

  • les bébés en position de siège
  • les bébés qui ont des antécédents familiaux de luxation de hanche
  • les bébés premiers nés
  • les bébés jumeaux
  • les bébés qui ont un gros poids de naissance
  • les bébés qui ont une limitation de l’abduction de hanche (écartement de la cuisse sur le côté)
  • les bébés qui ont des maladies congénitales associées (torticolis congénital, genu recurvatum…)

 

 

LA FREQUENCE DE LA LUXATION DE HANCHE

Le taux d’incidence de la luxation congénitale de hanche (LCH) est de 1,5 à 20 cas pour 1000 naissances. 

LE DEPISTAGE DE LA LUXATION DE HANCHE

Depuis maintenant plus de 10 ans, le dépistage de la luxation de hanche fait partie des examens obligatoires de la naissance.
Il s'agit d'un dépistage CLINIQUE.
Comme tout examen, ce dépistage a des limites dans sa performance : ceci veut dire que des enfants qui ont un vrai problème de hanche peuvent ne pas être repérés au cours de ce dépistage, mais qu'il est également possible de s'inquiéter à tort pour des enfants qui n'ont aucun problème (notion de faux négatifs et de faux positifs).
Ce dépistage passe par l'examen de la mobilité des hanches en écartement (abduction) et par la recherche d'un déboitement de l'articulation (ressaut).

Il faut savoir que cet examen clinique N'EST ABSOLUMENT PAS DOULOUREUX, même si une hanche se déboite.

Examen de la mobilité des hanches :

Recherche d'une limitation d'écartement de la cuisse vers l'extérieur (abduction).

 

C'est ce qu'on appelle la mesure du volant d'abduction, l'abduction étant le mouvement d'écartement de la cuisse sur le côté.
Cet examen se réalise sur un bébé calme, couché sur le dos, hanches et genoux pliés à 90°.

Toute limitation de mouvement laisse suspecter une maladie luxante de hanche !

Recherche d'une limitation d'écartement de la cuisse vers l'extérieur (abduction).

Recherche d'une instabilité de hanche (déboitement articulaire) :

C'est ce qu'on appelle les manoeuvres d'Ortolani et de Barlow.
Leur principe est de mesurer la possibilité de faire sortir la tête du fémur de son creux naturel (le cotyle), ce que l'examinateur peut ressentir dans sa main par une sensation dite de ressaut ou de piston (jeu articulaire).

Le ressaut de hanche correspond à la sensation palpable, et parfois visible, liée au franchissement du rebord cotyloïdien par la tête fémorale.
Mais attention, car l'absence de ressaut ne veut pas toujours dire que la hanche est stable et ne se déboite pas !
Apprendre à examiner les hanches pour découvrir un ressaut est quelque chose de long : ainsi un pédiatre doit examiner environ 2000 hanches pour découvrir et ressentir 10 ressauts.

Recherche d'une instabilité de hanche par la manoeuvre de Barlow.

Schéma du ressaut de hanche : la tête du fémur passe d'avant en arrière et d'arrière en avant sur le rebord du bassin.

 

A la fin du dépistage clinique de maternité, 3 situations sont possibles :

Situation N°1 Les 2 hanches sont parfaitement stables :
il n'y a pas de signe de luxation.
C'est la situation la plus fréquente.
Situation N°2 Au moins une hanche est instable (ressaut de déboitement ou de ré-emboitement).
Il s'agit d'une luxation congénitale de hanche.
Situation N°3 La situation n'est pas tranchée, et il existe un doute de la part de l'examinateur.

 

 

LA CONDUITE A TENIR EN SORTIE DE MATERNITE

Situation N°1 sans notion de hanche à risque Il n'y a pas d'examen complémentaire à faire
Situation N°1 avec notion de hanche à risque Il faut prévoir une échographie de hanche à l'âge de 6 semaines
Situations N°2 et N°3 Il faut prévoir une échographie de hanche immédiatement et une consultation d'orthopédie pédiatrique


L'ECHOGRAPHIE DE HANCHE

Il s'agit d'une technique d'imagerie non irradiante (elle utilise des ultra-sons) qui donne un accès à l’analyse des structures cartilagineuses invisibles avant 3 mois :

  • analyse morphologique, c'est-à-dire de la qualité de l'anatomie de la hanche
  • analyse dynamique, c'est-à-dire de la mobilité de la tête du fémur par rapport au cotyle.

La qualité de l'échographie de hanche dépend très fortement de l'expérience du radiologue.
La qualité anatomique de la hanche fait l'objet d'une classification officielle (classification de Graf) qui va de I à IV, de la normalité à la luxation.

 

 Exemple d'image d'échographie de hanche (normale).
Image brute, en haut.
Interprétation des signaux échographiques, en bas.


Classification de Graf

  • Type I : hanche normale

Modelage osseux du toit osseux bien formé
Encorbellement osseux angulaire, parfois discrètement arrondi.
Encorbellement cartilagineux recouvrant, labrum mince et pointu vers le bas.

  • Type II : retard d’ossification

Modelage osseux du toit juste suffisant
Encorbellement osseux arrondi, voire quasiment plat.
Encorbellement cartilagineux élargi.

  • Type III : hanche excentrée

Encorbellement osseux insuffisant :

  • III a : pas d’altération de structure du toit cartilagineux.
  • III B : toit cartilagineux échogène.
  • Type IV : hanche luxée

Modelage du toit osseux insuffisant.
Encorbellement osseux plat.
Cartilage du toit et labrum repoussés en bas et en dedans de la tête fémorale.

 

LA RADIOGRAPHIE DU BASSIN DE FACE

Il s'agit d'une technique d'imagerie simple mais irradiante (elle utilise des rayons X) qui donne un accès rapide à l'analyse des parties osseuses (donc visibles) du bassin et des hanches.

Elle a été longtemps le seul moyen paraclinique d'exploration des hanches.

A l'heure actuelle, l'ancienne habitude de radiographier systématiquement les hanches des bébés à l'âge de 4 mois N'A PLUS LIEU D'ETRE !
Par contre, la radiographie est l'examen de base de la surveillance du traitement et de la croissance des hanches .

Schéma d'une radiographie du bassin de face avant l'âge de 4 mois : les zones d'ossification des têtes des fémurs ne sont pas encore visibles, et il est donc difficile de localiser les têtes fémorales.

Radiographie du bassin de face avant l'âge de 4 mois : la hanche droite (qui est sur la gauche de l'image) est luxée.

Schéma d'une radiographie du bassin de face après l'âge de 4 mois : les zones d'ossification des têtes des fémurs sont alors visibles.

Radiographie du bassin de face avant l'âge de 4 mois : la hanche droite (qui est sur la gauche de l'image) est luxée.



LES PRINCIPES DU TRAITEMENT DE LA LUXATION CONGENITALE DE HANCHE

Le premier objectif du traitement est de réduire doucement la tête du fémur dans le cotyle, c'est-à-dire de ré-emboiter une sphère (la tête fémorale) dans un trou plus ou moins creusé (le cotyle).

Après remise en place, il faut stabiliser la hanche réduite de façon à ce que le système de capsule articulaire se remette en tension et maintienne la tête du fémur en bonne position.
Pour ceci, il faut utiliser des postures de recentrage : flexion de cuisse à 90° avec une abduction de 60 à 70°.

Mais attention : traiter veut également dire qu'il faut accepter un risque iatrogène : l' "ostéochondrite" post-réductionnelle. En effet, les position utilisées pour le traitement peuvent perturber la vascularisation de la tête du fémur et entraîner souffrance, destruction voire nécrose de la tête du fémur.

LES OUTILS A DISPOSITION POUR TRAITER UNE LUXATION CONGENITALE DE HANCHE

Le lange H Câlin :

Il s'agit de l'outil le plus simple qui représente le plus petit des traitements : en effet, le langeage par double couche normale N'A AUCUNE EFFICACITE.
Seul le lange Câlin en coton peut permettre de posturer les cuisses sur le côté, ce qui représente une position de traitement.

Lange Câlin : il est en côton, reste peu cher, est lavable et réutilisable plusieurs fois. Il ne possède aucune armature métallique.

 

La culotte d'abduction :

La culotte d'abduction agit selon le même principe que le lange Câlin en écartant les cuisses sur le côté (abduction).


Culotte d'abduction : elle est en moleton plastifié, avec des sangles qui permettent un ajustement autour du tronc.


Le harnais de Pavlik :


Harnais de Pavlik :
il est constitué d'une fixation sur le tronc et les épaules, et de 2 sangles qui s'adaptent sur les pieds et sont reliées à la sangle du tronc.
Le réglage du harnais se fait pas le chirurgien orthopédiste.

 

La traction de Somerville-Petit :

Il s'agit d'un système de remise en place d'une (ou de 2 hanches) luxée(s) par jeu de traction progressive sur une période moyenne de 3 semaines.
Ce traitement se déroule en HOSPITALISATION, et est suivi d'une immobilisation en plâtre pendant environ 3 mois, puis d'attelles de hanches pendant environ 4 mois.
Il s'adresse aux hanches luxées en position haute (la tête du fémur est au-dessus du cotyle) et qui sont irréductibles lors de l'examen clinique.

Traction de Somerville-Petit :
Phase de traction avec écartement des cuisses (abduction).
Ce traitement se fait souvent après l'âge de 6 mois.


Le plâtre dorso-pelvi-pédieux :

Le plâtre dorso-pelvi-pédieux est souvent un traitement de consolidation après remise en place d'une luxation (réduction) par traction de Somerville-Petit.
Il se réalise sous anesthésie générale, est changé tous les mois ou tous les 45 jours pendant une durée de 3 mois.
Quelques fois, un plâtre dorso-pelvi-pédieux peut être réalisé directement sans traction préalable.

Plâtre dorso-pelvi-pédieux :
Plâtre qui prend le bassin, les 2 hanches, les genoux, les chevilles et les pieds.


Les attelles à hanche libre de Pierre Petit :

Il s'agit d'un système de maintien des hanches en position d'écartement, qui a l'avantage de pouvoir être enlevé par les parents. Les attelles de Pierre Petit s'utilisent le plus souvent en relai des plâtres.

Attelles de Pierre Petit :
Elles sont utilisée en sortie de plâtre pour maintenir la position d'écartement des cuisses.



La réduction chirurgicale de la hanche :

Dans certains cas, seule la chirurgie peut remettre en place la tête du fémur dans le cotyle.
Cette chirurgie s'accompagne obligatoirement d'une immobilisation dans un plâtre dorso-pelvi-pédieux pendant plusieurs mois.

Vue opératoire d'une chirurgie de remise en place de la tête du fémur dans le cotyle.


COMMENT TRAITER UNE LUXATION DE HANCHE ?

Le traitement d'une luxation à la naissance :

Si l'indication de traitement est posée (après avis d'un chirurgien pédiatre) le traitement doit être commencé le plus tôt possible : en effet, laisser persister une instabilité peut provoquer des lésions d'appui sur le rebord du bassin ; de plus, plus le traitement est précoce, moins il y a de risque d'ostéochondrite iatrogène.

Le traitement de référence est alors le lange H Câlin.
Il est laissé en place à temps plein, mais en général peut être enlevé pour les bains, et il est recommandé de laisser 2 heures de liberté par jour.

Le traitement et ses effets sont contrôlés par échographie toutes les 4 à 6 semaines jusqu'à normalisation de l'anatomie.
Si le traitement doit être poursuivi, il faut parfois prendre le relai par culotte d'abduction ou harnais de Pavlik.

Le traitement d'une luxation entre 2 semaines et 2 mois :

Le traitement de référence est encore le lange H Câlin.
Il existe une taille 1 et une taille 2 mais il est parfois difficile à mettre en place par rapport à la taille des bébés.

Le traitement d'une luxation entre 3 mois et 6 mois :

Le traitement de référence est le harnais de Pavlik.
Il faut bien respecter les indications et les contre-indications (la principale étant d'avoir une tête du fémur luxée en position haute).
Le réglage du harnais est affaire de spécialiste, mais il faut éviter la position hyperfléchie des hanches.

Le risque d'ostéochondrite iatrogène avec harnais de Pavlik est de 5 à 10% des cas.
Seuls 15% des traitements par harnais de Pavlik n'aboutissent pas à la remise en place de la hanche.

Parfois, la traction de Somerville-Petit est indiquée vers 6 mois.

Le traitement d'une luxation entre après 6 mois :

Le traitement de référence est le harnais de Pavlik en cas de tête du fémur en position basse, et la traction de Somerville-Petit en cas de tête du fémur en position haute.

LA SURVEILLANCE

Même si le traitement s'arrête souvent avant l'âge de 1 an, la surveillance radiologique des hanches est indispensable.
Une radiographie de contrôle du bassin de face sera refaite après acquisition complète de la marche, et très souvent vers l'âge de 4-5 ans.

Les gros défauts peristants de l'anatomie du cotyle après cet âge peuvent faire l'objet d'un traitement chirurgical par modification de la position du bassin dans l'espace : ostéotomie de Salter.

 

 

Les informations de cette page sont issues des références bibliographiques suivantes :

La luxation congénitale de hanche
Société Française d'Orthopédie Pédiatrique
Sous la direction de B.Fenoll
C.Senah
M.Chapuis
S.Guillard-Charles

Sauramps Médical, 2006

 


 

 

 

 

Date de la dernière modification : dimanche 15 novembre 2009