LES INFECTIONS OSTEO-ARTICULAIRES DE L'ENFANT

Ce sont des pathologies courantes dans la pratique quotidienne de l’orthopédiste pédiatre.

Devant toute impotence de l’enfant il faut évoquer ce diagnostic, qui est malheureusement souvent méconnu initialement.
Les infections ostéo-articulaires peuvent se présenter sous forme de multiples tableaux.
on distingue :
Les ostéomyélites infectieuses : infection d'un os par un microbe venu par voie hématogène.
Les arthrites infectieuses : inflammation d'une articulation d'origine bactérienne

 

Comment se développent les infections ostéo-articulaires ?

La contamination des os ou des articulation(s) par des bactéries se fait par VOIE HEMATOGENE (c'est-à-dire par l'intermédiaire du sang qui véhicule les bactéries).

Ostéomyélites aiguës

De multiples facteurs interviennent dans l'apparition d'une ostéomyélite aiguë :
l'apparition d'une collection abcédée
puis un décollement périosté
Le tout forme une véritable ostéo-phlébite aigüe infectieuse (schéma ci-dessous).

Développement de pus (en rose) dans les vaisseaux sanguins de l'os (métaphyse), et en périphérie (décollement périosté).

 

Arthrites aiguës

Dans les arthrites pures, les bactéries contaminent les riches plexus synoviaux,
libérent des enzymes lytiques (destructeurs), qui peuvent provoquer une chondrolyse rapide (destruction chimique des surfaces articulaires).

De plus, en cas d’épanchement articulaire sous tension augmentant la pression dans l'articulation, des lésions ischémiques épiphysaires sont possibles (si la pression du pus dans l'articulation devient supérieure à la pression du sang qui irrigue l'articulation).

 

 

Comment se manifestent les infections ostéo-articulaires ?

Le diagnostic initial d'infection ostéo-articulaire est un DIAGNOSTIC DE PROBABILITÉ porté sur un FAISCEAU D’ARGUMENTS où l’examen clinique a la plus grande importance.

Diagnostic d'ostéomyélite aiguë

Le tableau typique d'ostéomyélite aiguê est bruyant :
Les signes généraux sont importants : fièvre souvent supérieure à 38,5°C, altération de l'état général, parfois frissons ou tremblements
Apparition d'une douleur métaphysaire circonférentielle (douleur qui fait le tour d'une extrémité d'un os), intense et brutale décrite traditionnellement comme "un coup de tonnerre dans un ciel serein"
Existence d'une impotence fonctionnelle nette, c'est-à-dire de la sous-utilisation ou non utilisation de la région douloureuse.

Diagnostic d'arthrite aiguë

Les signes d’appels d'arthrite sont plus insidieux :
Les troubles fonctionnels peuvent être discrets (pleurs à la mobilisation), ou plus importants (pseudo-paralysie).

Il faut alors rechercher un épanchement articulaire : gonflement d'un coude, d'un genou,...

Impotence fonctionnelle douloureuse du membre inférieur gauche chez un bébé qui ne veut plus fléchir son genou
Tableau d'arthrite du 4ème orteil du pied gauche : rougeur, gonflement, augmentation de la chaleur de la peau, douleur lorsque l'orteil est bougé.

 

Diagnostic de forme subaigue pseudo-tumorale

Le tableau clinique est assez discret, mais les radiographies montrent des lésions radiologiques pouvant faire craindre une tumeur osseuse.

Ostéomyélite pseudotumorale du tibia :
A gauche, lacune osseuse juste au-dessus du cartilage de croissance.
A droite, même image, la lacune étant matérialisée en rose.

Diagnostic de discospondylite

La discospondylite est une infection ostéo-articulaire du disque intervertébral, puis des corps vertébraux de part et d'autre du disque infecté.

Une discospondylite peut se manifester par une douleur de la colonne vertébrale, une douleur lors des changements de couche (en remontant les membres inférieurs sur le tronc), un refus de s'assoir sur le pot (signe du pot)
Une peut également observer une raideur de la région infectée, une boiterie
Parfois, un syndrome septique (fièvre) accompagne la douleur.

Discospondylite à un stade radiologique avancé :
Le disque intervertébral a été infecté en premier, puis l'infection s'est propagée aux plateaux vertébraux de voisinage, expliquant l'aspect irrégulier et condensé.

 

Quels sont examens complémentaires utiles pour le diagnostic d'infection ostéo-articulaire ?

Les examens biologiques

Aucun critère biologique n’est absolu pour établir un diagnostic d'infection ostéo-articulaire.
La numération formule sanguine peut mettre en évidence une syndrome inflammatoire franc :
une hyperleucocytose (c'est-à-dire une augmentation des globules blancs supérieure à 10000 par mm3) à polynucléaire neutrophiles


Le dosage des facteurs inflammatoires peut montrer :
une augmentation de la vitesse de sédimentation (VS), les valeurs normales étant inférieure à 7 mm à la première heure, et inférieure à 20 mm à la deuxième heure
une augmentation de la protéine C réactive (CRP), la valeur normale étant inférieure à 5 mg/litre
une augmentation de l'orosomucoïde, la valeur normale étant de 0,45 à 1,30 g/litre


Le bilan biologique initial est un bilan de référence, fondamental pour la surveillance . De plus, la diminution de la CRP (protéine C réactive) est un bon reflet de l'efficacité du traitement antibiotique, et la normalisation de l'orosomucoïde un bon signe de guérison.

L'échographie

L'examen échographique est souvent très utile :
Une échographie recherchera :

un épanchement intra-articulaire (augmentation de la quantité de liquide dans une articulation),

le caractère clair (non échogène) ou trouble (échos dans le liquide) de cet épanchement liquidien

un abcès sous-périosté (présence de pus entre la face extérieure de l'os et la membrane qui entoure l'os)
un abcès des parties molles


L'échographie peut également être une aide lors de la réalisation de la ponction articulaire ou osseuse, et lors de la surveillance (disparition d'un abcès, récidive,...).

 

Les radiographies

Les signes osseux d'infection ostéo-articulaire sont tardifs. Il ne faut pas les attendre pour traiter.
Les infections sub-aiguës ou chroniques, qui évoluent depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois peuvent provoquer des aspects de trous osseux (ostéolyse) qui peuvent faire discuter un diagnostic de tumeur osseuse.

 

La scintigraphie osseuse au technetium 99m

La scintigraphie est une méthode d'imagerie qui utilise l'administration par voie intra-veineuse (en perfusion) d'isotopes radioactifs afin de produire une image par la détection des rayonnements émis par ces isotopes après captation par les organes à examiner.
La scintigraphie est donc une imagerie fonctionnelle, c’est-à-dire du fonctionnement du squelette.
La scintigraphie osseuse utilise des biphosphonates (vecteur de la formation oseuse) marqués au technétium 99m.

Malheureusement, si la scintigraphie osseuse est un excellent moyen de mettre en évidence une infection ostéo-articulaire, on peut oberver des faux négatifs en cas d'infection précoce (un faux négatif est examen qui ne montre rien alors que l'infection est présente).

Le recours à la scintigraphie osseuse ne doit pas retarder le traitement.

Discospondylite entre la 2ème et la troisième vertèbre lombaire :
A gauche, acspect en scintigraphie osseuse.
A droite, aspect en I.R.M..

 

L'imagerie par résonnance magnétique (I.R.M.)

L'I.R.M. est un excellent moyen pour mettre en évidence une infection ostéo-articulaire : elle donne à la fois des renseignements fonctionnels (c'est-à-dire sur le fonctionnement) de la zone explorée, mais en plus des renseignements anatomiques (localisation précise de la zone atteinte) sur la même image.

De plus, les signaux I.R.M. sont perturbés assez vite en cas d'infection.

 

Le principal facteur limitant est la nécessité d'une immobilité pendant l'examen, ce qui le rend presque impossible avant l'âge de 3 ans (la scintigraphie osseuse sera alors privilégiée).

Aspect I.R.M. d'ostéo-arthrite de hanche gauche (l'aspect blanc du signal traduit l'inflammation provoquée par l'infection ; l'I.R.M. montre également l'épanchement de liquide dans l'articulation de la hanche gauche).

Aspect I.R.M. de discospondylite entre la 1ère et la 2ème vertèbre lombaire.
 

 

Comment traiter les infections ostéo-articulaires ?

Il faut respecter quelques règles générales

Les examens complémentaires, même s'ils sont utiles, ne doivent pas retarder la mise en route du traitement !

Les arguments cliniques, un bilan biologique et des radiographies sont souvent suffisants pour décider d'une ponction sous anesthésie générale et de la mise en route d'un traitement antibiotique : les infections ostéo-articulaires sont des URGENCES THERAPEUTIQUES !

l'hospitalisation doit de faire dès la suspicion du diagnotic et en milieu spécialisé (chirurgie pédiatrique).

Le traitement précoce est le meilleur garant d’un bon résultat : comme dit l'adage, il faut « Traiter comme si, car traiter à coup sur, c’est traiter trop tard ! »

 

Les principes du traitement

Rechercher le germe par tous les moyens
Ponctionner la zone infectée pour essayer d'identifier et d'analyser le germe responsable de l'infection (antibiogramme) : ponction à l'aiguille de l'articulation en cas d'arthrite, ponction de l'os (avec une aiguille plus grosse) en cas d'ostéomyélite.
Réaliser à l'écouvillon des prélèvements locaux à proximité de la zone infectées : boutons, nez, gorge, oreille, urines...

Evacuer le pus en cas de collection (abcès) : ouverrture chirurgicale, arthroscopie, tout dépend de la localisation de l'infection.

 

Traiter par perfusion antibiotique : les produits antibiotiques ont révolutionné le traitement et le pronostic des infections ostéo-articulaires.
L'antibiothérapie est double (c'est-à-dire qu'elle associe deux produits différents qui se potentialisent), obligatoirement intra-veineuse (pas par la bouche), ce qui rend l'hospitalisation obligatoire.

 

Immobiliser la région infectée : cet ancien dogme, qui remonte à une période où les antibiotiques n'existaient pas, est actuellement discuté. l'immobilisation en plâtre a un effet de lutte contre la douleur, peut également éviter que l'enfant ne prenne une attitude vicieuse

 

L'évolution précoce de l'infection sous traitement

Le traitement précoce et adapté au germe permet le plus souvent la guérison.
Cependant, l'infection peut avoi tendance à se propager de façon locale ou générale.

De façon locale :

Une infection articulaire (arthrite) peut se propager à l'os de voisinage et provoquer une ostéo-arthrite
Une infection osseuse (ostéomyélite) peut se propager à une articulation de voisinage et provoquer une ostéo-arthrite, ou à l'os de voisinage et provoquer un abcès sous-périosté, ou à tout l'os concerné et provoquer alors une pandiaphysite.

De façon générale :

Une infection osseuse et/ou articulaire mal contrôlée peut essaimer des germes par voie sanguine et donc provoquer une septicémie.

Le pronostic vital peut alors être engagé.

 

L'évolution tardive de l'infection : le risque de complications

Complications locales

Localement le risque principal est la propagation de l'infection au reste de l'os : ostéoarthrite, pandiaphysite.
Le principal risque de l'arthrite infectieuse est la destruction articulaire (en quelques heures) avec chondrolyse (disparition chimique du cartilage de l'articulation).
En cas de destruction d'une partie de l'articulation, on peut alors voir apparaître une sub-luxation ou une luxation (déboitement d'une articulation qui n'a plus sa forme normale).

Quelquefois, l'infection provoque une destruction de l'articulation par les perturbations de circulation sanguines (nécrose épiphysaire par pyo-arthrose).

L'infection articulaire peut également provoquer une ankylose (limitation des mouvements de l'articulation), et sur des périodes de temps plus longue de l’arthrose.


Luxation de l'articulation de hanche droite dans les suites d'une arthrite infectieuse survenue pendant l'enfance.
La radiographie du bassin (en bas) montre une destruction complète de la tête du fémur, et une ascension du fémur.
Le tout provoque boiterie, douleur, limitation de la mobilité.

Complications régionales

Une infection osseuse ou articulaire peut provoquer
Une poussée de croissance
Une inégalité de longueur
Un défaut d’axe par épiphysiodèse partielle ou totale

Inégalité de longueur des membres et défaut d'axe :
raccourcissement du membre inférieur gauche et du membre supérieur droit. Il existe également un défaut d'axe au niveau du fémur gauche, responsable d'une désaxation de la jambe vers l'extérieur (genu valgum).

 

La guérison d'une infection osseuse ou articulaire par traitement antibiotique ne dispense pas de surveiller d'éventuels troubles de croissance pendant plusieurs années.